CI-DESSOUS TEXTE INTÉGRAL PARU DANS LE NORD ÉCLAIR DU 4 MARS 2019
Bien que « protégés » par un plan de secteur et récemment rassurés par la bourgmestre Brigitte Aubert elle-même, les agriculteurs du Grand-Mouscron en ont assez de voir revenir, avec insistance, les appels du pied de ceux qui ne jurent que par l’expansion industrielle.
Pour les deux représentants du secteur que sont Ann Vanryckeghem, agricultrice à la ferme du Marhem, et Roger De Bue, riverain amoureux de la nature, il est temps de monter au créneau pour
parler de liberté, d’emploi, de circuit court et de business.
0 Mme Vanryckeghem, M. De Bue, pourriez-vous dresser un état des lieux de la situation de l’agriculture dans le Grand-Mouscron ?
Ann Vanryckeghem : Je dirais que nous comptons une cinquantaine d’exploitations agricoles, et on parle pour la plupart de fermes limitées au niveau de leur surface, pas d’exploitations démesurées, donc.
Roger De Bue : Et on y produit des choses très variées, des légumes, du bio, du fromage, il y a des
élevages – comme ici, à la ferme du Marhem : un élevage de porcs –ou le gîte à la ferme.
0 De récentes sorties médiatiques de personnalités ou de représentants de l’IEG réclamant la suppression de terrains agricoles au profit d’une expansion industrielle (notamment au Marhem), vous a fait réagir au point de rédiger un « droit de réponse » intitulé «Agriculteurs en colère »…
A.V. : A Mouscron plus que n’importe où ailleurs, la pression sur nous, agriculteurs, est très forte. Cela fait 32 ans que je suis ici, et cela a toujours existé.
Il y a d’abord eu le projet Excelsius – devenu Mozaik – que M. Jean-Pierre Detremmerie avait imaginé ici, avec des loisirs, des commerces, etc.
Depuis lors, il y a aussi eu le projet 2030-2050 où il était question d’une zone nature, ou la volonté répétée de l’IEG et d’entrepreneurs de venir créer un zoning.
Nous ne sommes donc jamais tranquilles ! Par le passé, nous n’étions pas aussi documentés, et certains ont tenté de profiter de cette désinformation pour mener à des expropriations, etc.
Nous devons sans cesse être sur nos gardes.
Cela engendre des conflits dans nos familles… C’est fatigant, et cela peut effrayer de potentiels jeunes agriculteurs quant à la pérennité de nos exploitations.
0 Pourtant, un plan de secteur régit les espaces réservés à l’agriculture, un schéma de Développement Communal fixé pour 25 ans en 2016 et validé par le Ministre « protège » le Marhem d’une transformation en zoning, et lors d’un conseil communal la bourgmestre a rappelé sa volonté qu’on ne touche plus aux 33 % de terres agricoles à Mouscron, non ?
A.V. : C’est vrai, et la Ville essaie de promouvoir notre secteur, avec le Hall du Terroir ou les paniers
fermiers par exemple.
Mais tous les dix ans, lorsque le plan de secteur peut être revu, les mêmes sirènes retentissent.
R.D.B. : Dans cette recherche de terrains pour ouvrir la porte à de possibles futurs industriels, l’IEG est la plus « virulente », car elle aussi joue sa survie en voulant toujours plus de terres qui sont beaucoup moins chères, pour les proposer à des tarifs plus avantageux qu’en Flandre par exemple. Mais il convient de démonter les idées préconçues.
Premièrement, ceux qui ont l’impression en passant devant un champ qu’il n’est pas exploité : il faut savoir que l’agriculture doit respecter certains cycles : jachère, culture, récolte…
C’est réglementé. Et la nature, ça vit !
Ensuite, l’excuse qui consiste à dire que l’agriculture ne génère pas d’emploi, est caduque !
Nous parlons ici de familles, d’employés, et de toute une série de jobs impliqués en amont et en aval de l’activité de la ferme !
0 Selon vous, certains se passeraient-ils complètement des agriculteurs à Mouscron ?
R.D.B. : Dans le chef de ceux qui clament sans cesse qu’il faut plus d’entreprises et moins de fermes,
il s’agit d’un dénigrement systématique envers les agriculteurs, au point que pour le grand public, ce serait normal qu’on alloue ces terres à autre chose.
Non, il faut du respect !
Les agriculteurs ne mènent pas un combat contre le béton, or, il ne nourrit pas les hommes.
Et s’il n’y a plus de fermiers ici, il faudra faire venir les denrées de plus loin, avec le coût du transport, la pollution, etc.
A.V. : Soyons clairs, l’état du sous-sol dans les zones industrielles est déplorable, et les entrepreneurs
veulent nos terres parce qu’elles sont saines.
Et aussi bon marché à leurs yeux !
Le calcul paraît évident : en achetant nos terrains agricoles à 5 €/m2, pour les revendre entre 65 et 75 €/m2 à des entrepreneurs flandriens (à qui il en coûte le double à Courtrai par exemple), même moyennant l’aménagement de routes et de réseaux… c’est une histoire de gros sous !
Car, oui, il reste des terrains exploitables pour l’industrie ailleurs que dans les champs à Mouscron, mais… c’est plus cher !
Mais, pour rappel, il s’agit de notre outil de travail !
J’ai largement besoin de mes 40ha de terrain pour pouvoir nourrir mon élevage, produire le lisier, etc. Et puis, il serait intéressant de calculer le nombre de parcelles encore constructibles hors zone agricole, ainsi que le nombre d’entreprises installées dans nos zonings et dont le siège social est en Flandre : ils ne paient donc même pas leurs impôts chez nous !
Il ne faut pas oublier le côté multifonctionnel de la ferme.
On entretient gratuitement les espaces, l’environnement, la biodiversité. Les animaux qui y vivent sont discrets, mais ils sont nombreux, nécessaires.
Sans parler des établissements de l’horeca qui misent désormais sur les circuits courts !
0 Pas question, donc, de toucher au plan de secteur ?
A.V. : Par rapport au reste de la Wallonie, où la moyenne est de 48 % du territoire alloués à l’agriculture, Mouscron figure déjà au plus bas de l’échelle avec ses 33 %.
Pouvez-vous imaginer une commune sans verdure ni nature ?
A contrario, avec 13% d’exploitation industrielle, la Cité des Hurlus possède un des taux les plus élevés à ce niveau.
Notre secteur a assez donné.
Stop ! Trop de désinformation par le passé nous oblige désormais à réagir à chaque attaque.
Comme lorsqu’on nous a annoncé 230ha pour une « zone nature » qui allait, dans les faits, héberger des constructions ou une zone économique.
Ou comment réaliser une énorme plus-value sur un terrain dont le prix a été réduit à 1 €/m2 (NDLR : zone nature).
Pour modifier un plan de secteur, il y a quatre étapes à respecter.
Tout changement de la zone agricole doit être compensé dans la commune par la conversion d’une superficie égale d’une zone constructible en non-constructible.
Pensez-vous vraiment que les propriétaires des terrains constructibles accepteront de réaliser une moins-value ?
JEAN-MICHEL MANDERICK
à noter Pour tout contact :
agriculteurs.mouscron@gmail.com
GSM : 0487 89 35 59
© J.-M.MA.
« Un art de vivre qui se transmet »
0 Ann, Roger, ne craignez-vous pas que, faute de relève de la part de la jeune génération au
niveau de l’agriculture, le secteur de l’entreprise à Mouscron rate le coche pour rien. S’il constate, d’ici 20 ans, que les terres qu’il souhaitait sont finalement délaissées ?
A.V. : Bien sûr, être agriculteur n’est pas un métier facile !
Bien sûr, la guerre des supermarchés fait qu’on ne vend pas nos bons produits au prix qu’ils méritent. Et en effet, il ne faut pas que si un jeune fermier gagne 1 €, on lui en prenne 50 cents derrière.
Mais il faut comprendre que, plus qu’un métier, c’est une manière de vivre.
Un bien qui se transmet de génération en génération.
Qu’il faut développer et soutenir l’agriculture.
Et qu’il y a une relève prête à reprendre le flambeau, moyennant intensification et diversification.
Je ne compte plus le nombre d’étables ou de fermes qui sont en train d’investir dans du matériel plus moderne, ou à adapter leur travail au bio, à l’agriculture raisonnée, etc.
Soutenus par M. Gadenne, et aujourd’hui par Mme Aubert, nous pouvons et devons investir.
0 Est-ce aussi le cas dans votre propre ferme ?
A.V. : Oui. Mon fils a 29 ans et a ses diplômes d’agriculteur, mais aussi en comptabilité et fiscalité. Des travaux démarreront bientôt pour pouvoir accueillir, à terme, mille truies. Il s’agira d’un élevage destiné à la vente des porcelets issus de notre savoir-faire.
R.D.B. : Il faut un avenir pour les agriculteurs.
Un réveil s’opère et ils ne se laissent plus faire et n’acceptent plus les mensonges.
S’ils veulent vendre, cela doit rester leur choix, leur liberté.
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